Dans la foulée du nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), le lait est au cœur de l’actualité. Les réseaux sociaux nous bombardent de messages nous incitant à boycotter les produits laitiers américains afin de montrer notre appui à l’industrie laitière canadienne.
On est toutefois en droit de se demander si le soutien à l’industrie locale est le seul argument qui devrait nous encourager à consommer davantage le lait canadien que le lait américain. Qu’en est-il des normes de production? La qualité du lait de chez nous est-elle supérieure à celle de nos voisins du sud? Démystifions le tout.
Une question d’hormones
Au Canada, il est strictement interdit d’utiliser des hormones pour stimuler la production laitière. Ce n’est toutefois pas le cas aux États-Unis, où l’on estime qu’une ferme sur cinq injecte de la somatotropine bovine recombinante (STbr) à ses bovins pour augmenter la quantité de lait qu’ils produisent[1].
Si cette hormone de croissance synthétique est interdite au Canada, ainsi qu’en Europe, en Australie, au Japon et en Nouvelle-Zélande, c’est d’abord et avant tout en raison des effets néfastes qu’elle occasionne chez les animaux, et non à cause de possibles effets sur la santé humaine, ces derniers n’ayant jamais été prouvés scientifiquement.
L’utilisation d’hormones de croissance est associée à un important stress métabolique[2] et à une forte augmentation des cas de mammites (ou mastites) chez les bovins, une infection déclenchant une réaction inflammatoire de la mamelle[3]. Les hormones augmentent donc les cas d’infection chez les animaux, ce qui génère un besoin accru d’utiliser des antibiotiques pour les soigner.
Autant pour l’industrie laitière canadienne que pour l’industrie laitière américaine, les normes en matière d’antibiotiques sont strictes. Aucun lait contenant des traces d’antibiotiques ne peut être vendu aux consommateurs. Toutefois, l’abus d’antibiotiques par l’industrie laitière américaine inquiète les chercheurs qui craignent que cela cause des bactéries résistantes aux antibiotiques qui pourraient avoir un impact sur la santé humaine[4].
Des normes plus élevées en matière de qualité du lait
Pour mesurer la qualité du lait, on utilise la numération des cellules somatiques (NCS), c’est-à-dire que l’on mesure la quantité de cellules somatiques, des globules blancs produits par le système immunitaire de la vache pour combattre des infections. Plus le nombre de cellules par ml est élevé, moins la vache est en santé et, par conséquent, moins le lait produit est de bonne qualité.
Au Canada, on a établi la limite à 400 000 cellules/ml, alors que la moyenne au pays se situe à environ 200 000 cellules/ml. Aux États-Unis, la limite est de 750 000 cellules/ml, et les produits exportés contiennent en moyenne 400 000 cellules/ml[5]. Plus en santé, la vache canadienne? Il semblerait bien que oui, preuve à l’appui!
Bien-être des animaux
Le Canada s’est doté de normes strictes en matière de bien-être animal pour les industries laitières qui encadrent les conditions de vie, les soins de santé, l’alimentation et le transport des bovins.
Les fermes canadiennes comptent en moyenne 85 vaches, alors qu’aux États-Unis, la moyenne est plutôt de 225 vaches. Certains établissements gigantesques peuvent même posséder plus de 2000 têtes! Il va sans dire que le soin porté aux animaux est mis en péril par le travail à la chaîne qu’exige ce genre d’établissement. Et que dire de l’impact environnemental!
Qu’en est-il de l’environnement ?
Ce n’est pas un secret, l’industrie agricole est l’une des industries les plus polluantes au monde, d’où l’importance de se doter de normes environnementales sévères pour limiter au maximum l’impact écologique de la production laitière. L’industrie laitière canadienne est une pionnière en ce sens, son empreinte environnementale relative au carbone, à l’eau et au sol étant parmi les plus faibles au monde[6].
Consommer les produits canadiens, c’est aussi réduire son empreinte écologique individuelle, puisque la consommation de produits locaux entraîne moins de pollution reliée à l’importation, en plus de contribuer à l’économie locale.
Quels produits seront touchés?
On parle beaucoup du lait qui sera touché par ces nouvelles mesures, mais qu’en est-il des autres aliments à base de produits laitiers? Bien que le lait diafiltré (concentré de protéines laitières) américain franchisse nos frontières depuis plusieurs années déjà, il était considéré comme un ingrédient et entrait dans la composition de certains produits spécifiques, comme le fromage. La nouvelle réglementation permet maintenant d’importer le lait américain sous toutes ses formes. Il pourra donc être utilisé plus facilement par les transformateurs laitiers. Certains aliments contenant des produits laitiers sont faciles à reconnaître, comme le lait, la crème, le fromage, le yogourt, le beurre, etc. D’autres le sont un peu moins, comme les desserts du commerce, les repas surgelés, etc. Bien que le logo des Producteurs laitiers du Canada garantisse l’utilisation de lait 100% canadien, rien n’oblige les entreprises à l’utiliser. Un produit 100% canadien pourrait donc ne pas arborer ce logo.
Acheter du lait canadien, c’est donc bien plus qu’un geste visant à encourager l’industrie locale. C’est aussi un geste politique et éthique, un choix ayant des impacts sur la santé et sur l’environnement. La prochaine fois que vous serez à l’épicerie, réfléchissez-y à deux fois avant de choisir un produit laitier américain!
[1] https://www.msn.com/fr-ca/actualites/quebec-canada/l%E2%80%99usage-d%E2%80%99hormones-dans-la-production-de-lait-am%C3%A9ricain-inqui%C3%A8te-les-canadiens/ar-BBNTBNO
[2] https://globalnews.ca/news/4533226/canadians-growth-hormones-dairy-usmca/
[3] http://americannutritionassociation.org/toolsandresources/milk-america%C3%A2%E2%82%AC%E2%84%A2s-health-problem
[4] https://www.healthcastle.com/what-you-should-know-about-milk-when-shopping-in-the-united-states/
[5] https://albertamilk.com/ask-dairy-farmer/difference-canadian-american-milk/
[6] Les Producteurs laitiers du Canada, Portrait de l’industrie laitière, 2017.
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